Retrouvez ci-dessous la vidéo de l’intervention de Thibault BAZIN lors de la session du conseil départemental de Meurthe-et-Moselle du 24 novembre 2023 au sujet du revenu d’émancipation des jeunes.
« Merci Madame la Présidente.
Mes chers collègues,
Qui peut être insensible, ici dans notre assemblée, à des jeunes en précarité, en difficultés, en rupture ? Je crois que personne ici n’est insensible.
Vous portez, dans ce rapport, l’objectif de redonner une vraie autonomie. Nous souhaitons aussi que les jeunes puissent devenir autonomes. C’est le sens de la vie quand on devient adulte et il faut tout faire accompagner en ce sens.
Mais le moyen que vous voulez mettre en place pour y parvenir pose question.
Vous proposez des aides pour y parvenir.
Je fais partie de ceux, comme un certain nombre de mes collègues, à penser que c’est plutôt par le travail. Parce que je crois que dans une société de droits et de devoirs.
Quand on a entre 16 et 25 ans, soit on étudie soit on travaille. Si des jeunes n’ont pas de revenus et sont isolés, soit ils étudient et ils peuvent d’ailleurs bénéficier de bourses et d’aides dans ce cadre. Soit, ils travaillent et alors bénéficient de revenus pour ce travail.
Vous voulez leur redonner confiance ? On peut partager cet objectif, d’ailleurs, quand on échange et quand on observe le mal être chez un certain nombre de jeunes, on voit qu’il y a une urgence sociale à redonner confiance. Mais est-ce que c’est l’argent qui redonne confiance ? J’en doute. Bien sûr, quand on n’a pas de revenu, l’argent peut aider, mais est-ce qui donne la confiance, ça au-delà de la question financière, de l’allocation financière, c’est une question de considération et de la dignité que chaque personne a, quel que soit sa condition, quel que soit ses études, quel que soit son travail. Cette considération n’est intrinsèque à personne.
Mais, on est dans un contexte compliqué budgétairement. Un contexte socialement compliqué. Moi je me pose la question, par rapport aux jeunes qui connaissent aussi des difficultés financières, qui triment, qui ont de faibles revenus. Est-ce qu’il n’y aura pas un sentiment d’injustice ? entre celui qui pour ne pas perdre sa bourse continue à s’engager dans ses études, par rapport à celui qui est obligé de travailler pour subvenir à ses besoins et s’émanciper. Celui à côté qui n’étudie pas, qui ne travaille pas, puisse bénéficier d’une allocation.
Est-ce qu’on ne va pas générer un sentiment d’injustice profond et je suis très sensible à cette question d’injustice sociale et ça monte dans nos territoires avec ce sentiment de ceux qui travaillent et qui n’arrivent pas à boucler les fins de mois et il y en a d’autres qui ne travaillent pas et qui finalement qui ne vivent pas moins bien parfois, en tout cas en apparence. Je crois que ce sentiment là aujourd’hui on doit en avoir conscience.
Vous annoncez que ce sera complémentaire aux dispositifs de l’État. Mais à ma connaissance ce n’est pas encouragé et accompagné par l’État. D’ailleurs comment cela va s’articuler avec le dispositif plein emploi ? je crois que la question, quand on veut mettre en place, que l’on veut expérimenter, bien sûr quand on expérimente, on a de l’audace. Au-delà de cela, il faut s’intéresser au dispositif en lui-même, est-ce que ce dispositif est juste ? est-ce que ce dispositif est efficace ? Est-ce qu’il va véritablement faire prendre conscience aux jeunes ? Est-ce qu’il va véritablement les rendre plus autonomes durablement ? Alors oui, si pour un jeune, sur la centaine d’aidés, cela permet de faire éclore, on peut s’en réjouir, mais c’est quand même pour un coût annoncé pour 1M€. A un moment où l’on doit, et je crois que l’on est tous responsables ici à être raisonnables. Je pense qu’on se doit de se poser la question.
Plus important c’est la question philosophique, un revenu sans travail, sans effort, ou sans condition, est-ce que c’est le message que l’on veut envoyer dans le contexte actuel ? on peut se retrouver sur d’autres rapports, mais celui-ci on est en désaccord profond. Il peut être simple dans sa mobilisation et sa compréhension, mais si en termes d’incitation ou de dissuasion, il envoie le message aux jeunes que l’on peut bénéficier de cela à partir du moment, on dit écoutez, je n’ai pas de revenus ou peu de revenus, je veux m’émanciper, mais je ne veux pas m’inscrire dans un parcours exigeant de droit et devoir, je ne veux pas sûr que l’on va aider pour permettre à nos services publics de pouvoir recruter quand ils en ont besoin, de permettre à assurer la production locale quand on souhaite reproduire en France. »